Bien sûr en ces temps difficiles, chaotiques même, l’urgence humanitaire reste la priorité des priorités tant cette crise agit comme un puissant révélateur de toutes les inégalités. En particulier l’inégalité devant l’éducation et l’accès à la culture, l’inégalité aussi des territoires devant l’offre. Il y a aussi une urgence culturelle. Urgence car partout où nous travaillons les populations et leurs élus s’interrogent sur le sens à donner à nos vies, à nos actions, dans ce monde guidé du matin au soir par le diktat de la rentabilité, de l’austérité des moyens et de la futilité de tout ce qui ne concourt pas à cette efficacité-là. A quoi ça sert ?
Nous devons collectivement redonner sens à la primauté culturelle dans l’éducation des citoyens…et la culture n’est certainement pas une variable d’ajustement dans la logique mortifère dictée par l’économie et la finance.
Comme l’écrit Jerôme Clément « Lorsqu’il entend le mot culture, le tyran sort son revolver. Le démocrate sort désormais sa calculette, lorsqu’il ne se détourne pas pour bailler ».
Et bien le démocrate doit affronter une nouvelle réalité, désormais apprendre à laisser sa calculette, à écouter les aspirations profondes de ses administrés, à considérer le champ culturel comme une source vitale d’émancipation et d’engagement citoyen. Mais il doit être accompagné dans cet objectif précisément pour éviter les fausses bonnes idées et les possibles dérives économiques.
Que de vitalité et d’énergie dans ce domaine. Que d’initiatives remarquables dans tous les endroits du territoire pour donner vie à des projets culturels. Ils fédèrent, rendent fier, dynamisent les esprits, explorent de nouvelles sources d’inspiration. Au fond tout cette énergie est ce qui enchante nos vies, réinvente nos émotions, va chercher au plus profond de nous, nous apporte le beau !
Notre communauté humaine a besoin de dépasser ses besoins primaires, de privilégier les sens, et l’émotion artistique est un puissant facteur de compréhension de notre monde
Nos élus, pour la plupart, pressentent ce besoin, comprennent qu’il faut parfois dépasser la seule logique économique, ont la volonté de modifier les traditionnels clichés qui cantonnent la culture à l’éternelle « danseuse du président ». C’est leur pratique qu’il acceptent de questionner, en particulier dans la concertation avec les populations. Mais c’est d’abord une vision politique qu’il s’agit d’exprimer et de formuler, si possible sur le long terme, pas un simple schéma directeur exercice souvent convenu et contraint, feuille de route et outil de communication censé démontrer un engagement ferme et mûri.
La crise que nous vivons, et singulièrement la crise sanitaire, nous enseigne qu’il est désormais nécessaire de hiérarchiser autrement les enjeux économiques, sociétaux, sociaux et environnementaux.
Nous devons accompagner les décideurs, privés et publics, dans cette réflexion avec méthode et de nouvelles idées, sortir des « sentiers battus » surtout.
Nous travaillons aujourd’hui sur des territoires qui explorent ces nouvelles voies, qui cherchent à réinventer un modèle économique plus respectueux de leurs atouts réels et non plus supposés. Les élus ont bien compris qu’il fallait désormais trouver des repères dans des principes et des valeurs partagées.
Il est vrai que souvent les projets culturels que nous expertisons et que nous tentons de rendre faisables et viables sont concassés et affadis par les logiques de l’économie et de la finance.
Jérôme Clément ajoute justement que « la culture n’a jamais été aussi vitale, aussi vivante, aussi cruciale. Qu’elle seule cimente notre sentiment d’appartenance à une communauté humaine, déjoue la violence des replis identitaires, donne un sens à nos valeurs et à notre civilisation ».Tout cela est vrai et l’on peut dire sans mégoter que la culture et son corollaire le tourisme culturel sont en danger.
S’ajoute à cela l’impact du COVID-19 sur le secteur culturel. Il est ressenti à toutes les échelles, sur tous les territoires, écrase parfois les plus belles et légitimes intentions. Cette pandémie affecte le droit fondamental d’accès à la culture, les droits sociaux des artistes et professionnels culturels et la protection de la diversité des expressions culturelles. Inévitablement cette crise va approfondir les inégalités et fragiliser davantage les communautés vulnérables, les territoires déjà fragiles qui aspirent pourtant à cette noble ambition, cherchent des leviers forts d’identité.
Face au vertige de l’incertitude nous aidons les élus et tous les acteurs locaux qui croient en l’importance majeure de la culture dans nos vies quotidiennes à mieux cerner les nouveaux enjeux, à remettre à plat les certitudes, à explorer de nouveaux projets plus en lien avec les préoccupations et aspirations de nos concitoyens mais tout aussi ambitieux dans leur vocation. Etre inventif en somme, créer de nouvelles habitudes de travail, réapprendre à assumer un modèle économique et touristique à l’échelle des moyens, à l’écoute des envies, à l’épreuve du temps.
Il s’agit pour nous désormais de proposer un mode de relation et de réflexion qui s’appuie davantage sur les énergies locales, qui fédère et dynamise tout un écosystème de compétences et de partenaires.
Les trois récentes missions que nous menons (Développement du tourisme industriel chez EDF, Centre d’interprétation du guerrier en Val de Somme, Musée du Vin en Côte Vermeille) sont la preuve de cette lente mutation, de ce renouveau qui s’annonce dans « le monde d’après ».